Les anomalies de la croissance des cultures (ou indices phytographiques ) correspondent à une différencede hauteuret decouleurdans la pousse des cultures. Comme le dit fort justement Henri Delétang (1999) : "les plantes parlent". En général, à l'emplacement d'anciens remblais , plus fertiles et plus humides, la végétation est plus vigoureuse et sa maturation est plus rapide. En revanche, les plantes ont tendance à s'étioler au niveau de substructions enfouies. Cependant, lors de conditions atmosphériques et météorologiques exceptionnelles, on observe l'inversion totale de ces phénomènes.
La sécheresse est particulièrement favorable à ces anomalies, surtout quand elle se produit au moment où la plante a besoin d'eau, c'est-à-dire quand sa croissance prend un vigoureux départ.
Dans des conditions climatiques normales, les plantes, et en particulier les céréales, permettent à l'archéologue aérien de bonnes observations, au moment où leur croissance est des plus rapides et dès lors qu'il n'y a pas encore trop d'épandages catastrophiques de désherbants sélectifs et d'engrais qui effacent rapidement presque toute différence.
A Noyelles-sur-Mer dans la Somme, la hauteur des cultures est plus marquée au-dessus d'anciens remblais. La photo aérienne révèle des tracés subcirculaires correspondant à des enclos fossoyés de l'âge du Bronze . Ces fossés, qui se sont lentement remblayés au cours des années, sont constitués d'une terre plus fertile. Cela explique la croissance plus vigoureuse des cultures à cet endroit. Ici, un sondage le confirme. Lorsqu'on enlève la terre arable, on comprend mieux que sur ces sols crayeux pauvres, les céréales poussent difficilement alors qu'elles sont nettement plus développées au-dessus de l'ancien fossé.
A l'inverse, les cultures poussent moins bien au-dessus de fondations enfouies, comme à Remiencourt (Somme) où elles sont moins vigoureuses au-dessus des fondations en craie d'un ancien petit temple gallo-romain. Cela s'observe aussi lors du contrôle au sol : céréales moins hautes et présence de quelques pierres blanches remontées par la charrue.
Les contrastes de couleurs sont facilement repérables dans les cultures céréalières, fourragères, betteravières ou autres, comme les légumineuses, au moment de la maturation. La plupart des chercheurs français ont signalé l'intérêt des survols, une quinzaine de jours après les regains, dans les prairies artificielles. Les vallées alluviales, au sous-sol constitué de gravier, sont les plus propices à l'apparition de contrastes de hauteur et de teinte des cultures, entre autres des céréales où les variations de la gamme des verts sont extraordinaires.
Au moment de la maturation des cultures, le jaunissement différentiel prend parfois un aspect spectaculaire, au-dessus de fossés comblés, surtout dans les petits pois, mais aussi dans le colza et les céréales. En période de sécheresse prolongée, même les pâturages peuvent être révélateurs de soubassements arasés comme à Guizancourt (Somme). Mais, curieusement, le même jour, sur le même type de sol marécageux, les contrastes sont inversés et les herbages sont plus verts à l'emplacement des fondations romaines à Velennes-Frémontiers (Somme). Les choses ne sont donc pas aussi simples qu'il n'y paraît. Ces phénomènes ont été remarqués depuis des siècles par des curieux, bien avant l'apparition de l'aviation. Cependant de nos jours, l'utilisation massive d'engrais atténue considérablement les différences de teinte ou de hauteur des céréales, mais n'efface pas totalement ces anomalies. Il suffira de circonstances favorables (mais imprévisibles à long terme) pour qu'elles réapparaissent.