Chevaliers félons ?
Mais non, mais non !
Pour tenter de comprendre les motivations des soit-disant "chevaliers félons" Dalmau et Ramon, il faut se référer à la Chronique de Pierre IV d'Aragon ou Pierre le Cérémonieux, et au siège d'Argelès :
Vendredi 21 mai 1344 : « Divendres a xxi de maig venguem a la horta de Argiles e atendamnos de la part de dins vers la mar, e facem stablir lo loch e manam venir les viandes el navili que teniem a Canet e Portvendres. E aqui vengueren a Nos les homens de Tatzo a reterense a Nos faerennos homenage. Es ver que Nos, ans que partissem de Figueres, acordam ab En Dalmau de Tatzo, veguer de Gerona, que ab les hosts de la vegueria, mentre Nos fariem la via de Perpinya, vengues à Copliure. »
Et ici vinrent à Nous les hommes de Tatzo pour se joindre à Nous et Nous faire hommage. Il est vrai que Nous, avant de partir de Figueres, nous sommes mis d’accord avec Dalmau de Tatzo, Viguier de Gerona, pour qu’il vienne à Collioure avec les troupes de la viguerie pendant que nous ferions route vers Perpignan.
La chronique précise encore que, la veille, Dalmau de Tatzo et ses troupes ont livré bataille à Collioure.
Au fur et à mesure que les troupes aragonaises dévastaient le Roussillon, un certain nombre de Seigneurs ont lâché Jacques de Majorque et fait allégeance à Pierre d'Aragon. Ceux-là méritent assurément d'être qualifiés de "chevaliers félons".
Mais tel n'était pas le cas de Dalmau II de Tatzo, Viguier de Girona. Il était de l'expédition avant de passer la frontière et avait fait jonction à Figueres avec ses troupes de la Viguerie. Il en était probablement de même pour Ramon, car selon Puiggari (cité par l'abbé Capeille), le 16 août 1340, Jacques III de Majorque a fait donation à l'évêque d'Elne des lieux de Montescot et de Tatzo d'Avall. On peut en conclure qu'à cette date les "de Tatzo" vivaient déjà au sud des Pyrénées.
D'ailleurs, il faut se demander comment Pierre d'Aragon avait pu, avant 1344, nommer au poste stratégique de Viguier de Girona un descendant de Huguet de Tatzo qui fut lieutenant (et "portarius major") du Roi de Majorque Sanxo 1er.
Il nous faut revenir ici 2O ans en arrière. En 1324, le roi Sanxo est mort. Le futur Jacques III étant encore mineur, le frère de Sanxo, l'Infant Felipe, ecclésiastique, est nommé tuteur. Dès sa nomination, malgré l'appui du pape Jean XXII, sa régence est contestée par les Consuls de Perpignan. L'entourage du futur Jacques III pousse l'Infant Felipe vers la sortie. En 1329, ce dernier renoncera à la régence et retournera vers sa vocation ecclésiastique.
Or, nous avons vu qu'en 1325, dans le dernier document concernant Huguet de Tatzo, l'Infant Felipe le désigne ainsi : "dilectum nostrum Hugonem de Tacione, militem" (notre bien aimé Hugo de Tacione, chevalier). On comprend, dès lors, que Huguet sera "persona non grata" à la cour de Majorque.
Est-il donc étonnant que ses descendants (dont Ramon IV et Dalmau II) se soient, dès cette époque, mis au service du Roi d'Aragon qui en fera ses hommes de confiance ?
Et ce au point de nommer :
- Dalmau II de Tatzo, Veguer de Girona (avant l'expédition en Roussillon)
- Ramon IV de Tatzo, Batlle de Perpinya et Lloctinent 'Lieutenant du Roi) pour les Comtés de Roussillon et de Cerdagne, le 2 novembre 1344.