Taxo, Tatzo, Stabulum, Via Domitia ?...
BISLY Jean-Pierre
jean-pierre.bisly@orange.fr

 

 


 HANNIBAL 

Rassurez-vous, je ne vais pas vous détailler ici, par le menu, la vie et la formidable épopée d’Hannibal Barca. Mais il n’est, peut être, pas inutile de se rafraîchir la mémoire, en se rendant à cette adresse : 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hannibal_Barca

 

Bon, ça y est ? Vous savez désormais tout sur Hannibal ? Moi aussi. Enfin, presque tout, car il reste au moins deux points qui font encore polémique : où a-t-il passé les Alpes, et (ce qui nous intéresse ici) où a-t-il passé les Pyrénées ? 

 Si l’on en croit cet article de Wikipedia (et pratiquement tous les auteurs qui se sont intéressés à cette tranche d’histoire), Hannibal, avec 77.000 fantassins, 11.000 cavaliers et 37 éléphants serait passé par un seul col, le col du Perthus !

 Or, aucune preuve archéologique ne vient étayer cette affirmation. Au contraire, la seule monnaie punique (une drachme frappée à SAGONTE vers le début du IIe siècle av. JC.) a été trouvée en 1990 sur le replat formé par le col de la Carbassera. (source : carte archéologique de la Gaule, 2007, page 234).

 Réfléchissons un peu et demandons-nous comment cette formidable aventure a été décidée, puis organisée par les Carthaginois.  

C’est le traité de -226 qui avait mis fin à la première Guerre Punique. Ce traité partageait l’Hispanie en deux : aux Carthaginois le sud de l’Ebre, aux Romains le nord.  

VOIR LA CARTE

 Les Carthaginois, après qu’Hannibal ait maté la rébellion de SAGONTE et que les Romains (ignorant le traité de – 226, car Sagonte est proche de Valencia bien au sud de l’Ebre) aient réclamé justice, avaient deux solutions : soit rendre sa liberté à Sagonte, alliée des Romains, et payer un tribut, soit déclarer la deuxième guerre punique. Fin 219 av. JC et début 218, les oligarques qui formaient le gouvernement ont dû délibérer ferme.

Et il a bien fallu, pour savoir s’il fallait envisager la guerre, demander son avis au commandant en chef des troupes, c’est-à-dire à Hannibal. C’est donc à QART HADASHT (« nouvelle ville » dans la langue des carthaginois, ce que les romains devaient traduire par CARTHAGO NOVA), aujourd’hui CARTAGENA en Espagne, que se tint la séance au cours de laquelle Hannibal emporta la décision en démontrant que la guerre était inévitable, puis en proposant la solution que nous connaissons et qui a dû en laisser pantois plus d’un. 

 

Bon, la décision prise, on se mit en route à marche forcée car il s'agissait de surprendre les Romains.

 

 

De Qart Hadast jusqu’à l’Ebre on sait que les carthaginois, en application du traité de -226, s’étaient rendus maîtres du terrain. Mais, entre l’Ebre et les Pyrénées, se trouvaient des peuples que Rome n’avait pas encore colonisés et avec lesquels il allait falloir soit pactiser soit guerroyer. Sur cet épisode on dispose de deux sources. 

 POLYBE : 

"Ayant passé l’Ebre, il soumet les IBERGETES, les BARGUSIENS, les ERENESIENS et les ANDOSIENS."

 TITE-LIVE : 

"Encouragé par cette apparition, il passa l’Ebre sur trois points avec 90.000 fantassins et 12.000 chevaux. Bientôt, les ILERGETES, les BARGUSIENS, les AUSETANS et la JACETANIE, située au pied des monts Pyrénées, sont soumis. Tout ce pays est confié à la vigilance d’Hamon ; il doit occuper les gorges qui joignent les Espagnes aux Gaules. Hannibal lui laisse, pour garder cette conquête, 10.000 hommes d’infanterie et 1.000 de cavalerie." Par ailleurs, Tite-Live nous indique que 3.000 Carpetans « se dégonflent » et qu’Hannibal les renvoie dans leurs foyers. On peut donc évaluer ici les troupes restant à Hannibal avant de passer les Pyrénées : 77.000 fantassins et 11.000 cavaliers, et … 37 éléphants !"

 On ne sait pas situer les ERENESIENS et les ANDOSIENS. Pour ces derniers, il serait fort étonnant qu’il s’agisse des ancêtres des Andosiens actuels (habitants d’Andoins dans les Pyrénées-Atlantiques). 

 

Manifestement, à la « coquille » près, les IBERGETES et les ILERGETES sont un seul et même peuple. A cette époque, les frontières entre les peuplades étaient floues et mouvantes. Néanmoins, on sait à peu près où se trouvait ce peuple.

 

Les BARGUSIENS, quant à eux,  étaient un peuple de la Tarraconaise, soit de la région littorale de Tarragone. 

 

Restent les AUSETANS et la JACETANIE, laquelle devait correspondre aux LAIETANI. Ces derniers étaient l’une des peuplades formant le groupe des INDIKETES qui occupaient ce qui correspond aujourd’hui à l’AMPURDAN (Nord-Est de la Catalunya). Les AUSETANS se situaient à l’ouest des INDIKETES. Il s’agit donc ici de peuples plus ou moins sous l’influence « commerciale » d’Emporion et de Rhodae (Rosas), et donc tournés vers la mer.

 

 Grâce à nos frères de Catalogne Sud on en sait un peu  plus sur ces peuplades. Etant à Barcelone, vous vous doutez bien que je suis allé visiter le "Museu d'Arqueologia de Catalunya". Outre que j'ai pu y admirer , entre autres merveilles, Esculape, avant qu'il ne revienne à Empuries, j'ai récupéré de la documentation et notamment un opuscule intitulé LA RUTA DE LOS IBEROS. Et je ne résiste pas au plaisir d'en faire un diaporama que vous pouvez consulter 

ici

 Ainsi donc, après avoir soumis ces peuples, il est plus que probable qu’Hannibal aura déployé ses troupes au pied des Pyrénées ; les Pyrénées qu’il traversera par « les gorges qui joignent les Espagnes aux Gaules » où Hamon sera chargé d’installer l’arrière-garde. Souvenons-nous qu’Hannibal a l’intention d’installer son camp aux environs d’Illiberis afin de parlementer avec les peuples vivant au nord des Pyrénées. 

 

Et, pour discuter en position de force, il a intérêt à regrouper toutes ses troupes à cet endroit le plus rapidement possible, ce qui implique le passage simultané par plusieurs cols. Or, les « gorges » les plus proches d’Illiberis sont le col de Belitres (Cerbère), le col de Banyuls, le col de la Carbassera et, peut-être, bien qu’on soit là un peu loin d’Illiberis, les cols … du Perthus et de Panissars ?