Taxo, Tatzo, Stabulum, Via Domitia ?...
BISLY Jean-Pierre
jean-pierre.bisly@orange.fr

Le Comté du Roussillon

Afin de suivre plus facilement le texte ci-dessous, je me permets de vous conseiller d'imprimer le tableau chronologique que vous trouverez : ICI

Ce fut l’un des comtés existants durant le Haut Moyen-Age qui comprenait le Roussillon, le Conflent et le Vallespir. Il faisait partie du territoire que l’on nommait alors « Marca Hispanica ». Ses origines remontent à l’antique comté (créé en 571 par le roi wisigoth LIUVA) dont la juridiction correspondait probablement à Ruscino et à l’Evêché d’’Illiberis.

L’époque franque :

 Les Arabes occupèrent le comté du Roussillon en 721 où leur domination régna jusqu’en 760 quand Pépin le Bref l’annexa au royaume franc, après avoir défait les musulmans à Narbonne en 759. Pendant ces 40 ans de domination sarrasine, le comté était pratiquement dépeuplé. Pepin le Bref rétablit l’ancien comté wisigoth avec Ruscino pour capitale. Les comtes y possédaient un château, le Castrum ou Castellum Rossillio.

On ne sait pratiquement rien de l’histoire du comté au 8ème siècle. Le premier comte connu (de 812 à 832) fut Gaucelm, fils du comte Guillem 1er de Toulouse, et frère de Bernard de Septimanie. En 816, Gaucelm devint aussi comte d’Empuries et, à partir de 829, il se fit appeler « Marquis de Gothie ».

En 832, le comté du Roussillon est resté inclus dans les domaines du comte Berenguer de Toulouse ; à la mort de ce dernier il passa sous la coupe de Bernard de Septimanie. Après que Bernard de Septimanie fut exécuté à Toulouse, en 844, sur ordre de Charles le Chauve, le comté passa sous la domination de Sunyer 1er d’Empuries, fils de Bello, comte de Carcassonne. Mais le comte Guillem II de Toulouse, fils de Bernard de Septimanie, assassina Sunyer en 848 et régna sur le comté jusqu’à sa mort en 850.


Dès lors, le comté fut régi par des comtes francs : Aleran (850-852), Odalric (852-857), Humsfrid (857-863).

 Enfin, en récompense de sa participation à la répression de la révolte de Bernard de Gothie (comte du Roussillon de 863 à 878), le comte Miro le Vieux (du Conflent), frère de Guifré el Pilos, fut investi comte du Roussillon par le roi Louis le Bègue en 878.


La fin du pouvoir carolingien :

 La mort du roi Louis le Bègue (879) marqua le début de la décomposition de l’empire carolingien. Durant le dernier quart du 9ème siècle, les rois francs perdirent le pouvoir et, dans tout le royaume, les potentats locaux rendirent leurs charges héréditaires. C’est ainsi que les comtes cessèrent d’être des fonctionnaires nommés pour devenir de petits souverains héréditaires. C’est au cours de cette période de crise qu’à la mort de Miro le Vieux (895) le comté passa sous la domination de son cousin germain Sunyer II d’Empuries, sans que le pouvoir des rois francs y soit pour quelque chose.

Sous la coupe du comté d’Empuries :

Durant pratiquement tout le 10ème siècle, le comté du Roussillon est resté rattaché au comté d’Empuries. Toutefois, à la fin du 9ème siècle, le haut Roussillon, le Conflent et une grande partie du Vallespir étaient passés sous la domination du comte Miro II de Cerdagne, fils de Guifré el Pilos. Ce que l’on appelait alors comté du Roussillon se réduisait donc à la plaine côtière du Roussillon et du Vallespir. Le siège politique de l’ensemble Empuries-Roussillon resta  à Empuries, puis à Castello d’Empuries.

A la mort de Gausfred (931-991) ses deux fils, malgré son testament qui établissait une gouvernance indivise, se répartirent les comtés : Hug 1er (991-1040) fut comte d’Empuries, et Guislabert 1er (991-1014) comte du Roussillon.

En 1014, Hug 1er d’Empuries, profitant de la mort de Guislabert et de la minorité de son fils et successeur, Gausfred II (1014-1074), envahit le Roussillon. Mais son entreprise tourna court en raison du soutien apporté à Gausfred par Bernat Tallaferro, comte de Besalù et de son frère « l’Abat Oliva », ex comte de Berga.

En 1019, Gausfred fut reconnu comte du Roussillon, lors de la « Paix de Toulouges» sous les auspices de l’Abat Oliba. Ainsi, la division de 991 entre Empuries et Rossello devint-elle  irréversible


Le comté du Roussillon à nouveau indépendant :

A Gausfred II succéda son fils, Guislabert II (1074-1102) qui transféra la résidence comtale de Castell Rossello à Perpinya. Girard (1102-1113), fils et successeur de Guislabert II, partit en Terre Sainte comme croisé et participa aux conquêtes d’Antioche (1098) et de Jérusalem (1099). Il revint dans son comté de 1102 à 1109 pour repartir en Terre Sainte. Il fut assassiné en 1112 et le comté passa à son fils Gausfred III.

L’époque de Gausfred III (1113-1164) fut une période turbulente en raison des attaques des pirates sarrasins, mais aussi des mauvaises relations dues aux ambitions territoriales de Ponç Hug 1er d’Empuries sur le comté du Roussillon. C’est pourquoi, lors du conflit entre Empuries et Barcelone (1128), le comte du Roussillon se plaça du côté de Berenguer III ; par ailleurs, après une brève période de trève, les deux comtes s’affontèrent encore pour la domination du château de Requesens.

La crise politique roussillonnaise s’accentua avec la révolte de Girard contre son père Gausfred III. Ce dernier put conserver le comté grâce à l’aide de Hug III d’Empuries (1154-1175) favorable à l’entente entre les deux familles. Et, en 1162, Gausfred III se réconcilia avec son fils Girard qui obtint la seigneurie de Perpinya et fut reconnu comme héritier du comté.


L’annexion au domaine royal catalan (dit d’Aragon) :

Girard II du Roussillon (1164-1172), malade et sans enfants, laissa le comté en héritage au roi  d’Aragon Alphonse II le  Chaste, en accord avec le conseil de ses sujets. C’est ainsi que le comté passa sous domination royale au lieu de retomber dans l’escarcelle d’Empuries. En 1173, après la mort de Girard II, Alphonse le Chaste convoqua une assemblée de magnats roussillonnais à Perpignan et établit les statuts de « pau i treva » valables pour tout le comté du Roussillon et le diocèse d’Elne.

Les comtés « de Roussillon et de Cerdagne » :

Craignant la menace de la croisade contre les Cathares menée par les nobles français (1209), le roi d'Aragon Pierre 1er le Catholique, dès 1181, remit à son oncle Sanç, comte de Cerdagne, le comté du Roussillon en y incluant la Conflent et les territoires du Haut Roussillon et du Vallespir qui étaient passés entre temps au comté de Besalù ; ainsi le comté du Roussillon coïncida à nouveau avec le diocèse d’Elne. A Sanç 1er de Roussillon-Cerdagne succéda son fils Nuno Sanç à la mort duquel (1242) les deux comtés revinrent à la couronne d’Aragon.

Sous le royaume de Majorque :

Dans son testament de 1261, Jaume 1er (le Conquérant) disposa que les comtés de Roussillon et de Cerdagne, ainsi que la seigneurie de Montpellier, devaient appartenir au Royaume de Majorque, revenant à son fils Jaume, alors que l’Aragon, la Catalunya et Valencia devaient revenir à Pierre II le Grand. A la mort de Jaume 1er (1276), ce testament entra en vigueur et Jaume II de Mallorca (1276-1311) fit de Perpinya la deuxième capitale de son royaume.

A la mort de Jacques II de Majorque en 1311 (son fils aîné, l’Infant Jacques ayant renoncé à la couronne en 1299 pour se faire franciscain) c’est le deuxième fils  Sanç 1er qui lui succède. En 1315, Sanc 1er qui n’a pas de descendance décide de remettre sa succession à son neveu (le futur Jacques III) malgré les prétentions de son cousin, le roi Jacques II d’Aragon. Finalement, ce dernier consent à reconnaître la succession en échange du support majorquin à la conquête du royaume de Sardaigne au début des années 1320.

A la mort de Sanç, en 1324, son plus jeune frère Philippe, ecclésiastique, assure la régence du royaume. Le futur Jacques III est encore un enfant ; il est remis à la garde d’un conseil de nobles. Il deviendra roi à sa majorité en 1335. Mais, dès 1327, sous l’influence de ses conseils, il se conduit déjà en monarque et l’infant Philippe renonce à la régence pour retourner à ses activités écclésiastiques. Et, en 1336, Pierre IV d’Aragon (le Cérémonieux) accède au trône de Barcelone et tente de réimposer à son cousin Jacques le serment de vassalité auquel le père de Pierre (Jacques II d’Aragon) avait renoncé en 1295.


A nouveau le royaume d’Aragon :

Sur fond de Guerre de Cent Ans, la situation va s’envenimer jusqu’à ce qu’en 1344, Pierre IV annexe le royaume de Majorque et constitue les comtés de Roussillon et de Cerdagne en un gouvernement de Roussillon et Cerdagne (indépendant du gouvernement du Principat de Catalunya) avec la capitale à Perpinya qui devint ainsi la deuxième capitale de Catalunya.

Et le Roussillon devint français :

A partir de 1462, les deux comtés furent ballottés entre la France et l’Espagne au gré des guerres successives, menées par Louis XI et Louis XIII, pour finir au Traité des Pyrénées (1659) par lequel la « Province du Roussillon » devint française. Et, en 1790, l’ensemble devint le Département des Pyrénées-Orientales tel que nous le connaissons aujourd’hui.

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